Aller au contenu principalAller au pied de page

Actualités des clubs - mai 2025

Les recos des clubs


📚 Book Club


Afin de proposer de belles recommandations de lecture pour les utilisateurs du pass Culture en juin à l’occasion du mois des Fiertés, la thématique du Book Club était “Bibliothèque LGBTQIA+” (idéale, on l’espère !). 🌈 Parmi les ouvrages particulièrement appréciés :

“Boutonné en jalousie” de Jul' Maroh

Agathe :

“Lisant rarement des romans graphiques, celui-ci est un coup de cœur. J’ai vraiment adoré ! Je lui attribue la note de 10/10.

Depuis son coming-out, Khalil cherche un équilibre entre les cours, le skatepark et sa passion pour les décors de théâtre. Entouré de personnes bienveillantes, il tente d’ignorer les blagues homophobes et racistes de ses camarades de lycée. Cependant, il ne peut ignorer l’attirance qu’il ressent pour Isaël, un des membres de la troupe de théâtre, malgré le fait qu'il ne cesse de le provoquer et de le rabaisser devant les autres. C’est durant le voyage scolaire du club de théâtre que tout va basculer, et que Khalil va s’apercevoir que les intimidations d’Isaël cachent d’autres secrets…

Cet ouvrage met en lumière la période compliquée qu’est l’adolescence. La peine à construire et comprendre son identité, la peur de s’affirmer devant les autres. Les questionnements sur l’attirance et la sexualité…

Le scénario est touchant, le lecteur rencontre des personnages complexes qui n'osent parfois pas assumer totalement leurs sentiments à cause d’enjeux extérieurs. Il souligne les difficultés à se dévoiler dans une famille fermée à l’idée de l’homosexualité ou encore, la colère que l’on peut ressentir lorsque l’on est arabe et homosexuel dans une société raciste et homophobe.




"Boutonnée en jalousie", ne raconte pas seulement une histoire avec ses mots. Les éléments du récit sont aussi transmis par les graphismes. Les couleurs dominantes sont celles du drapeau de la fierté transgenre, en tons bleu et rose. Une duologie des couleurs qui, en plus de passer un message, apporte une réelle douceur lors de la lecture de cet ouvrage.

Finalement, selon moi, c’est un sans-faute poétique, accompagné d’une fascinante déclaration d’amour à la diversité et à la tolérance."


Boutonné en jalousie.png
“Les vilaines” de Camila Sosa Villada

Elise :

"En janvier dernier, la Chambre basse du Congrès américain a adopté un projet de loi visant à restreindre très fortement la participation des jeunes femmes transgenres aux compétitions sportives étudiantes. Fin février, l’Iowa a révoqué les règles de protection des personnes transgenres. Le mois suivant, la Hongrie interdisait la Marche des fiertés. Aujourd’hui encore, les personnes transgenres sont menacées de perdre leurs droits. En 2025, elles sont toujours contraintes de se cacher, ou de prouver leur valeur en tant qu’êtres humains. Plus que vivre, ces personnes doivent survivre.

Dans "Les Vilaines" de Camila Sosa Villada, on découvre cette force de survie à travers l’histoire de Camila, jeune Argentine transgenre, alter ego de l’autrice. Après une enfance passée à se dissimuler, sous le regard violent de son père, marquée par des abus sexuels et des humiliations, Camila se lance dans ce qu’elle croit être sa destinée : la prostitution.

D’abord solitaire, elle finit par rencontrer sa « famille » : un groupe de femmes, travailleuses du sexe elles aussi, vivant dans une forme de sororité. Elle fait surtout la connaissance de Tante Encarna, une « plus que centenaire » gonflée à l’huile de moteur d’avion, figure maternelle de cet orphelinat hors du commun. Presque divine, Encarna veille sur les filles du parc Sarmiento comme une véritable mère– jusqu’au jour où, comme par miracle, elle le devient réellement.

Alternant entre passé et présent, entre la maison d’enfance et le parc Sarmiento, ce premier roman en huis clos est une trace intime de la souffrance des personnes transgenres, de leur beauté transcendante, mais surtout de leur courage.

L’autrice nous plonge donc dans des années 1990 hantées par la prolifération du sida, qui emportera nombre de ses congénères. Dans ce livre, on découvre ainsi la vie, la mort et ce qui se trouve entre les deux. Camila y dépeint les conditions de vie précaires, les difficultés de la transition, et les obstacles liés à leur mode de vie. Le sida est un fléau, mais il n’est pas le seul : la crainte des complications post-opératoires dues à des chirurgies frauduleuses, les réactions violentes des clients, la virulence des forces de l’ordre, le rejet de leurs familles et surtout, de la société, en font également partie. La vie des personnes transgenres, c’est un combat quotidien où les alliés se font rares.

Pour décrire ce quotidien, Villada ne met aucun filtre : agressions sexuelles, insultes, maladie, violence – tout est énoncé avec une brutalité pure. La fatalité qui semble peser sur la vie de ces jeunes femmes fend le cœur. Peu d’issues leur sont offertes pour (sur)vivre dans une société qui les condamne d’avance : la fuite, le camouflage ou la prostitution. Mais pourquoi envisager autre chose, quand tout dans le monde les rejette ?




Le roman aborde également la difficulté, à titre personnel, de l’acceptation de sa propre transidentité. Un exemple marquant en est le mélange d’écœurement et de fascination du groupe du parc envers les organes féminins d’origine non-chirurgicale – révélateur de la dualité complexe ressentie face aux femmes cisgenres et à leurs corps.

Bien que largement autobiographique, le récit dresse également les portraits d’autres femmes que la narratrice côtoie : Maria la Muette, Natali la Louve-Garou, Patricia la Boiteuse, ou encore Tante Encarna, la mère. Tous ces personnages sont haut en couleur, mais surtout profondément originaux.

Camila raconte la vie de ces filles aux talons aiguilles dans une prose poétique, en contraste saisissant avec la cruauté de leur quotidien. Elle fait usage de nombreuses métaphores, souvent animales, pour décrire ses proches. Maria la Muette devient ainsi un petit oiseau fragile, qui, une fois transformée – ou plutôt, transitionnée ? – se voit enfermée et affaiblie. Comme tous ses semblables, on souhaiterait que son envol la mène vers la vie, et non vers la mort. Que la société les libère, - elle et ses sœurs - de leur cage, et qu’on les laisse enfin vivre en paix.

Tante Encarna, quant à elle, incarne d’abord l’exception : plus sainte qu’oiseau, figure matriarcale du troupeau, parfois revêche, mais dont l’amour est à revendre. Pourtant, à la fin, son destin rejoint celui de toutes les trans du roman : le même que celui de Difunta Correa.

En conclusion, Les Vilaines raconte la fureur, la beauté, la tristesse et la fête d’être une femme transgenre. Davantage témoignage que manifeste, ce conte de fées explosif est un retour brutal à la réalité, nous invitant à une fête dont l’after se trouve en enfer. Pourtant, comme nous l’explique si bien ce livre : « Ce que la nature ne te donne pas, l’enfer te le prête. »

Ces reines en devenir voulaient être Aphrodite, mais ont fini comme Perséphone."


Les vilaines.png

“La Montagne entre nous” de Marcel Shorjian et Jeanne Sterkers

Léonie :

“Il y a des histoires qu’on découvre comme on entrouvre une porte. La Montagne entre nous en fait partie. Une BD poignante, où chaque planche nous livre un fragment d’un passé douloureux, sans jamais tout dire d’un coup.

L’histoire est celle de Marcia, une femme vieillissante, qui revient dans son village après des années d'absence. Dès les premières planches, quelque chose intrigue : son apparence, son silence, son regard lointain. On devine qu’un drame a eu lieu, qu’un poids l’habite depuis longtemps. Peu à peu, le passé refait surface : un amour de jeunesse, une rupture brutale, une agression. Ce n’est pas une simple histoire d’amour perdue, c’est une histoire empêchée, censurée par la peur, la honte, et les non-dits.

On découvre également que le rejet de Marcia par sa mère trouve ses racines dans une blessure, plus ancienne. Jamais vraiment guérie, cette blessure semble l’avoir rendue incapable d’accepter la différence, de tolérer ce qui, aux yeux des autres, pourrait faire tache et répéter l’histoire. Cette transmission silencieuse de la honte, rappelle combien les non-dits peuvent traverser les générations et que, pour s’en libérer, il faut oser regarder ce passé en face.

Par ailleurs, ce que j’ai trouvé particulièrement fort, c’est la manière dont l’intime et l’actualité de l’époque s'entrelacent. Marcia revient en 2012, au moment où la France débat du mariage. Ces débats, retranscrit à travers la radio ou la télévision dans la BD, semblent presque irréels pour celles et ceux qui, comme Marcia, ont dû fuir pour vivre.





Graphiquement, les couleurs pastel, les contours fins, presque fragiles, donnent à l’ensemble une douceur étrange. Comme si le dessin voulait panser les mots que le scénario, lui, met à nu. Cette légèreté visuelle contraste avec la dureté du récit, et c’est ce qui rend l’ensemble encore plus émouvant.

Ce que je retiens surtout, c’est la rareté d’un tel récit. On parle rarement d’amour homosexuel du point de vue de femmes plus âgées. Encore moins dans un contexte rural, et encore moins avec autant de pudeur. Ici, il n’y a qu’une sincérité brute, des personnages vrais, et une grande humanité."


La Montagne entre nous.png

Hors thématique mensuelle : “La Muette, Drancy : Un camp aux portes de Paris” de Valérie Villieu et Simon Géliot

Clémence :

“Dans le paysage de la bande dessinée historique, "La Muette, Drancy : Un camp aux portes de Paris", signé par Valérie Villieu et Simon Géliot, s’impose comme une œuvre poignante et nécessaire. À travers un récit graphique d’une grande intensité, les auteurs nous plongent dans l’histoire du camp d’internement de Drancy, où 67 000 Juifs furent enfermés avant leur déportation vers les camps de la mort.

Dès les premières pages, le lecteur est happé par une mise en scène monochrome, dominée par des teintes froides qui traduisent l’atmosphère oppressante du camp. Le roman graphique suit les trajectoires de plusieurs personnages, dont Béno, Nissim, Jean, Chil et Chana, des hommes et des femmes de tous horizons, unis par le même destin tragique. À travers leurs yeux, nous découvrons la violence quotidienne, la faim, l’humiliation et la solidarité qui rythment la vie des internés.

Loin d’être un simple témoignage, cette bande dessinée est une véritable œuvre de transmission. Elle met en lumière la collaboration française dans la mise en place du camp et la méthode Brunner, qui confiait la surveillance aux gendarmes français et l’administration interne aux détenus eux-mêmes. Chaque planche est une fenêtre sur l’Histoire, où les détails architecturaux du camp et les expressions des personnages renforcent l’impact émotionnel du récit.





En enfermant le lecteur avec les internés, les auteurs parviennent à faire ressentir l’angoisse et l’incertitude qui régnaient à Drancy. Ce roman graphique est un hommage aux victimes, mais aussi un rappel essentiel des dangers de l’oubli et de la montée des idéologies haineuses.

Avec "La Muette, Drancy" , Villieu et Géliot offrent une œuvre puissante et nécessaire, qui s’inscrit dans la lignée des grands récits graphiques sur la Shoah. Une lecture incontournable pour comprendre, se souvenir et transmettre."


La Muette.png
🎬 Ciné Club

Parmi les films qui ont marqué le Ciné Club ce mois-ci :

“Libertate” de Tudor Giurgiu

Sarah :

“J'ai eu l'occasion de voir "L'Échelle" en présence de Vlad Paunescu, le réalisateur, lors du festival du cinéma roumain de Nantes. C'est un biopic qui s'inspire de l'histoire de l'acteur Dragos Paslaru et surtout de son rôle de leader dans la révolution roumaine de 1989. Ce film portait la vision d'une nouvelle génération révoltée et rêveuse d'un monde aux conditions meilleures, où le peuple a son mot à dire. Cette révolution est explorée du point de vue des révolutionnaires et surtout des étudiants. "Libertate", quant à lui, m'offre un autre point de vue, celui d'une autre victime, la police. Je m'y connais peu, j'aime que ce film m'éclaire, me permette de toucher le bout d'une histoire. Il est important de mettre en lumière ces morts, ces victimes, ces accusés. Lorsqu'une révolution ou un conflit éclate, il faut toujours un bouc émissaire, c'est dommage, d'une certaine manière ça semble être le moyen le plus simple de se rassurer, si ce n'est le seul. Je me demande ce qu'en pensent les Roumains révolutionnaires de l'époque, concernant ces accusés à tort, de cette erreur judiciaire, enfin plutôt militaire dans le cas présent.




Les erreurs comme celles-ci mettent du temps à remonter à la surface, encore plus à être entendues, et il en va de même pour l'accepter. Pour celle-ci, il aura fallu plus de trente ans.”


Libertate.png

“Kneecap” de Rich Peppiatt

Sarah :

“Pâte artistique très riche et belle ! Les couleurs sont magnifiques, la composition aussi, le tout donne une recette singulière qui me plaît beaucoup. Aussi folle que le groupe. Clin d’œil au stop motion que j’ai trouvé incroyablement bien amené. J’aime cette liberté qu’ils ont, elle transpire, même dans le film.

C’était très tendu politiquement et socialement dans l’Irlande de l’époque du film. Plus que tendu même, oppressant, j’ai eu l’impression que certains n’en avaient rien à faire qu’une culture meure pour la leur. C’est assez égoïste de demander à d’autres avant nous de se soumettre à notre langage. C’est colonialiste. Je me demande ce qui en est dit ces dernières années, de ce comportement à l’égard de l’irlandais. Beaucoup de pays colons ont dû s’excuser il y a peu, pour avoir détruit et imposé leur culture aux peuples colonisés, la France en fait partie, bien que ça reste un sujet très sensible et pas totalement accepté.




Le chiffre de la fin m’a surprise, je m’attendais évidemment à ce que les langues meurent, mais pas à ce qu’il y en ait autant qui chutent dans l’oubli en si peu de temps. Je suis heureuse que Kneecap ait réussi à faire revivre leurs paroles, leur hip-hop est cool."

Kneecap.png

“Paris is Burning” de Jennie Livingston

Daphné :

“Un documentaire captivant sur la communauté LGBT leur culture et les fameux “bals” dans les années 80. Pleins de “good énergies” avec ces plans de danses et de défilés dynamiques accompagnés de musiques pop. Ce sentiment de liberté et d’acception de soi lors des soirées est si bien retranscrit. En plus d’être très authentique, il y a un vrai aspect éducatif avec l’explication de vocabulaire et de traditions propre à leur culture. Divers portraits sont présentés, j’ai adoré découvrir ces différentes personnalités, leurs histoires et rêves. Un documentaire qui a su montrer avec légèreté tant la beauté de cette communauté que les horreurs qu’elle a traversées.”



Paris is Burning.png
🎭 Scène Club
“La Grande affabulation” de Geoffroy Jourdain & Benjamin Lazar à l’Opéra Comique à Paris

Yoann :

“Je me suis vraiment senti transporté par la pièce. Le gros plus de la représentation, c'est qu'elle est jouée par la maîtrise populaire. C'est ma première expérience d'opéra avec des jeunes, et je dois dire que c'est bluffant. Cela permet de mieux nous identifier avec les différents comédiens. La thématique du rêve est quelque chose qui m'a particulièrement touchée. Le fait de voir des animaux parler, un chevalier endormi qui est accompagné d'une foule de personnes, enfin bref, face à tout cela, le spectateur est assailli de questions : Pourquoi le chevalier est somnambule ? Que renferme la mystérieuse forêt ? Et c'est ce que j'aime vraiment dans la pièce : Un mystère qui plane sur les lieux et l'histoire. La musique d'inspiration baroque permet aussi de jouer sur ce levier-là puisque ça projette le spectateur dans des temps anciens fantasmés, dont les nombreux éléments qui nous échappent contribuent à bâtir l'aura de mystère.

© Photographie : Stefan Brion





En lisant le résumé de la pièce, on est tout de suite intrigué par la fuite énigmatique de ces enfants. Et je ne suis pas vraiment pas déçu par la pièce car l'on ressent vraiment ce mystère !”

La Grande Affabulation.png

“L’Hôtel du Libre-Echange” de Georges Feydeau mis en scène par Stanislas Nordey au l’Odéon - Théâtre de l’Europe à Paris

Océane :

“Le spectacle est très drôle et cela constitue son point fort. Au-delà de l’humour porté par les comédiens, la mise en scène est fabuleuse que ce soit à partir des décors changeants ou des musiques employées. L’apparition de « semi-drags » apporte une nouvelle couleur à la pièce et la rend plus vivante et amusante. Cette pièce dégage quelque chose d’accessible et de très créatif en vue des thèmes abordés qui restent sous-jacents.”

© Photographie : Jean-Louis Fernandez



L'Hôtel du Libre-Echange.png

“Makbeth” du Munstrum Théâtre au Théâtre Public de Montreuil

Eléa :

“On passe les 10 premières minutes sans pouvoir respirer : dans une nappe de fumée ocre, les cris et la violence s’étalent et envahissent le plateau. Et puis tout s’arrête. Mais la violence, elle, ne quitte jamais la salle. À mi-chemin entre horreur et farce, Makbeth donne à voir le vice humain sous sa forme la plus brute. Pourtant, les comédiens sont transformés : couverts de ces masques seconde peau signature du Munstrum Théâtre, encombrés de costumes imposants et d’extensions corporelles, parfois recouverts de sang, parfois la bouche pleine d’un liquide sombre, on en oublierait presque que ce sont des êtres vivants qui jouent. Le travail du corps en est d’autant plus remarquable : acrobaties, danse, technique de jeu du bouffon, expressions faciales marquées, voix altérée, chaque fragment de l’acteur est mis à contribution pour offrir au spectateur une expérience théâtrale unique.

© Photographie : Jean-Louis Fernandez




Shakespeare et le Munstrum Théâtre semblent faits l’un pour l’autre. Cédant aux invitations du texte, Louis Arène et Lionel Lingelser proposent une version explicite et actualisée de la pièce dont on ne doit pas prononcer le nom. Un travail colossal qui explore chaque scène avec folie et fantaisie. C’est sans doute ce qui fait la force du Munstrum Théâtre dans Makbeth : la pièce nous suggère un face-à-face avec notre propre humanité. Résultat : on ne sait plus si on doit en rire ou en pleurer.”

Makbeth.png

Les dernières actualités